Stratégie d’entreprise : Toute vérité est-elle bonne à dire ?
En préambule, ça a l’air superflu, mais il nous semble important de préciser qu’une stratégie d’entreprise, pour être pleinement efficace se doit d’être énoncée clairement. Mais ce n’est pas tout. Encore faut-il qu’elle soit comprise et qu’elle corresponde à la vision de son Leader, Dirigeant, Chef d’entreprise ou de projet, Animateur…
Énoncer la stratégie n’est pourtant pas une fin en soi. Il s’agit encore et surtout d’accompagner sa mise en œuvre et d’incarner son dynamisme, sa volonté, son engagement. Quel que soit l’engagement, d’ailleurs…
Pour autant, toutes les stratégies ne produisent pas les mêmes effets, surtout si elles reposent sur une vision individuelle et personnelle de l’action collective.
Stratégie d’entreprise : De qui s’implique-t-on ?
En gros, tous les salariés ne sont pas prêts à suivre le Chef, si le Chef en question se limite à montrer le chemin qui le mènera à atteindre ses objectifs personnels sans tenir compte de l’intérêt collectif.
Mais là encore, Il y a des principes qui ne changent pas. Un Chef qui annonce clairement la couleur individualiste de ses actions, trouvera toujours les forcenés qui décideront tout de même de travailler avec lui. Au moins pour récolter les miettes d’un succès personnel de celui qu’ils reconnaissent comme leur « gourou » du moment. Aussi parce qu’ils sont dans l’incapacité récurrente de satisfaire totalement leur besoin narcissique. Il faut bien l’avouer, nos contemporains n’ont pas toujours grand chose à faire d’un nombril qui n’est pas le leur. Ça n’aide pas…
On ne peut pas laisser ses émotions à la porte de l’entreprise. L’individu qui vient au travail « sans affect » est un sociopathe. Colloque CNAM M2 – 2015 – « Gérer les Hommes ou gérer le travail » – Une DRH du monde hospitalier, intervenante en table ronde.
Pour autant, l’affect manipulé a aussi des limites pathologiques.
La stratégie « Qui m’aime me suive ! »
Avez vous déjà tenté cette injonction ? Si oui, vous n’avez probablement jamais renouvelé l’expérience puisque vous êtes maintenant tout à fait conscient qu’il ne suffit pas d’ordonner pour être obéi, surtout en amour.
Cependant, de nombreux Dirigeants tirent encore ces ficelles, consciemment ou pas. Il faut dire qu’ils auraient tort de ne pas le faire, c’est si facile dans le contexte de l’entreprise. De nombreux paramètres viennent renforcer la capacité du Dirigeant à emmener les troupes sur la base d’un comportement paternaliste ou maternaliste. Lorsque l’enjeu managérial repose sur la crainte de perdre son emploi, le sentiment de culpabilité, le besoin d’appartenance à un groupe quel qu’il soit, l’espoir d’être enfin un jour reconnu dans une organisation, l’espoir de voir cette figure du père ou de la mère reconnaître son amabilité intrinsèque, alors… cette forme de manipulation presque conventionnelle peut toujours fonctionner.
La stratégie : « sublimer l’ordinaire »
Christophe Dejours éclaire la centralité du travail notamment dans la relation au monde qui permet à l’individu de venir soigner, panser, ses failles d’enfant, par la sublimation.
On peut alors se rendre compte que bien des tâches, même jugées de loin comme de peu de prix, d’intérêt ou de prestige, impliquent en fait un rapport de véritable continuité entre le corps et la matière, l’outil, voire l’objet technique, qui s’apparente à la sublimation. Dejours Christophe, « La clinique du travail entre vulnérabilité et domination », in Yves Clot et Dominique Lhuilier Travail et santé érès « Clinique du travail », 2010 p. 125-144.
De là à en comprendre que plus on a été maltraité dans l’enfance, moins on a reçu d’amour, et plus on cherchera à réparer ces failles notamment dans la relation professionnelle, il n’y a pas grand espace. Cette relation particulière à la société, devient une sorte d’exutoire aux blessures originelles.
Dans la relation professionnelle, l’individu subordonné (le salarié) est même capable de fermer les yeux sur ce qui lui pose problème. Cela peut le conduire à renier ses principes éthiques, sans y penser plus que ça.
L’individu devient parfois, comme l’analyse Hannah Arendt dans son œuvre, incapable de penser ce qu’il fait. Hannah Arendt, Théoricienne Politique
Le bénéfice secondaire qu’ils en retirent ? Celui, notamment, d’expérimenter le sentiment de recevoir ce qui lui semble être un peu d’amour. Quand ce placebo d’amour leur arrive d’une figure du père (un patron) de la mère (une patronne), c’est encore plus jouissif. Si au passage, il faut renier jusqu’à nos idéaux, alors ce n’est plus très grave et il est toujours possible de « s’arrêter de penser ».
Fort heureusement, ce modèle a tendance à sortir du bois ces derniers temps, rattrapé par les souffrances au travail, diverses et variées, plus ou moins médiatisées mais dont on peut compter sur les réseaux sociaux pour être relayées. OUI, l’engagement au travail est subjectif et le nier revient à maltraiter l’individu. Si besoin de vous en persuader, lisez Daniel Linhart Sociologue et Directrice de Recherche Émérite au CNRS – « Pourquoi Travaillons nous« .
La stratégie d’entreprise, la nécessaire évolution
En effet, la roue tourne, un peu.
Les transformations se sont accélérées, dues au évolutions technologiques qui rendent les activités professionnelles de plus en plus dépendantes des services et de moins en moins adaptées aux productions de type industrielle, historiques.
Ces évolutions transforment notre rapport au travail, notre rapport au lien de subordination dans lequel la production des services ne se satisfait plus d’un rapport de force conditionné par avance et d’un modèle de production de masse standardisé à l’extrême.
Pour exister pleinement, la haute valeur ajoutée des services, doit être intelligente et libre d’évoluer en fonction des situations.
Sinon, le service ne rend pas service.
Après des décennies de subordination, le salarié s’émanciperait-il peu à peu ?
C’est bien possible. A commencer par ceux qui, de plus en plus nombreux deviennent les « seigneurs » de l’organisation. Les experts en services, les manipulateurs des hautes technologies, les créateurs d’univers parallèles à très haute valeur ajoutée… totalement libérés des enjeux de reconnaissance liés à la seule hiérarchie d’une entreprise dont le système managérial a trop vite vieilli.
Ce qui a trop vieilli dans les organisations, ce sont les principes de gouvernance et modèles portés par les sciences de gestion des années Thatcher et Reagan. Ce ne sont pas obligatoirement les Dirigeants.
Ce qui nous arrive aujourd’hui n’est pas un conflit de génération mais bien une nécessaire évolution d’un modèle où la stratégie n’était que cosmétique vers un modèle où la stratégie reflète l’engagement subjectif des individus dans leur travail.
Un modèle serviciel ne peut se suffire d’un engagement distancié dans lequel nulle incarnation n’apparaît, ni de la Direction, ni des Salariés.
Le service, c’est en substance ce qui rend service. Quand le service « ne rend pas service », il est ce que j’appelle « un quasi-bien ». Christian du Tertre, lors d’un échange informel au sein de l’association Travail et Politique en 2012.
Le service contrairement au produit industriel, ne peut donc pas s’imposer au consommateur. Pour représenter une valeur, monétisée ou non, le service, par nature, a besoin d’être co-créé. Il est fondamentalement « collectif ».
Pour rendre service, encore faut-il avoir conscience qu’un environnement nous environne personnellement…. qu’un nombril n’a de sens qu’au milieu d’un corps et qu’un corps sans tête est traditionnellement plus proche d’un four à chaleur tournante que d’un Panthéon.
Travailler la stratégie, ensemble
Travailler la stratégie prend tout son sens dans le partage et la mise en commun.
Pour y parvenir, les déclinaisons sont multiples et conditionnées par le projet, l’organisation. On ne travaille pas la stratégie d’un groupe de trois personnes comme on le fait avec une équipe de plus de 15O individus. Des moyens adaptés, des temporalités respectées, des expressions d’humanité déclarées et identifiées, permettent aussi de commencer à incarner le projet, la vision.
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